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Etude pour la tête de Balzac

La tête du "Balzac" d'Auguste Rodin ne trouve sa forme définitive que dans les derniers mois de travail. C'est à la série des dernières études avant la tête définitive qu'appartient le plâtre conservé à la Maison de Balzac, réalisé vers 1897. Il se caractérise par un contraste entre le front dégagé à droite et la mèche qui retombe sur le sourcil droit. Le visage est plus étroit et l'oreille traitée de manière moins réaliste que dans l'avant-dernière étude. Si Rodin est loin de chercher à offrir un portrait littéral de l'écrivain - au grand dam d'une partie des commanditaires de la Société des Gens de Lettres, qui, lorsqu'ils découvriront la statue en 1898, diront ne pas y « reconnaître » Balzac - le sculpteur a néanmoins mené une enquête minutieuse pour retrouver la physionomie de l'auteur de "La Comédie humaine". Il consulte de nombreuses sources iconographiques, notamment au sein de la collection Lovenjoul, et recueille descriptions de contemporains et témoignages pour tenter de cerner la figure complexe de Balzac. La photographie de Nadar, dont il commande une copie, est, selon Rodin, la « seule effigie fidèle et vraiment ressemblante de l'écrivain », mais il s'inspire également du buste solennel par David d'Angers et de la statuette-charge de Dantan, du Balzac « olympien » et du Balzac outré, qu'il semble condenser dans sa propre interprétation. Sous l'influence des théories du milieu et de la race, le sculpteur se rend à plusieurs reprises en Touraine pour trouver un spécimen tourangeau, garant de la morphologie balzacienne. C'est ainsi à partir de la tête d'Estager, « conducteur de Tours », que Rodin réalise plusieurs masques, qui servent de point de départ au modelage de la tête de Balzac. Si la tête ne cesse de varier au cours des années que dure l'élaboration du monument, sa position par rapport au corps n'est elle-même fixée que dans les ultimes maquettes. Tournée vers la droite et renversée en arrière, la torsion offerte par l'articulation entre la colonne mouvementé du corps et la tête offre à l'état final une grande part de sa puissance visuelle. Camille Claudel salue devant le plâtre « l'effet très accentué de la tête qui contraste avec la simplicité de la draperie ». Le critique et ami de Rodin, Gustave Geffroy, dans la description qu'il donne de la statue présentée au Salon de 1898, confère à la tête un rôle déterminant : « une grâce formidable apparaît au sommet, avec cette tête de lion à lourde crinière qui se rejette en arrière d'un mouvement si fier et si beau, et ce fin visage envahi de chair et de graisse, […] qui projette le noir magnétisme de ses yeux sur l'immensité des choses ». Enfin pour Gaston Leroux, la sculpture entière semble se résumer à cette tête : « Ce Balzac n'a ni jambes, ni bras, ni cou, ni rien ; rien que deux arcades sourcilières, deux trous, deux yeux […] et puis une lèvre ». Fondue en bronze dans cette version, la tête de Balzac a été diffusée très vite, vendue ou offerte par Rodin. C'est aussi cette étape du travail qui, agrandie, a servi de modèle pour les têtes monumentales en grès émaillé réalisées à partir de 1899.
Vers 1897
Plâtre
21.0 x 21.0 x 19.5 cm
BAL 89-97
Image © Maison de Balzac, 2023

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